Avec la diversification alimentaire, la palette des goûts proposée à notre enfant s’affine petit à petit. Mais aussi ce qu’il aime… ou pas ! Voici quelques pistes pour accompagner le tout-petit dans ses découvertes gustatives.
Une affaire de goût
Commençons par une bonne nouvelle : “Entre 1 et 3 ans, l’enfant est plutôt ouvert à tout goûter”, souligne Véronique Liégeois, nutritionniste (auteure, avec Aglaé Blin, de À table les enfants !, Flammarion, 2004). Néanmoins, il arrive que de nouveaux aliments nous reviennent en mode catapulte, au mieux sur le bavoir, au pire sur les murs de la cuisine. Ou que, noyés sous des torrents d’informations, nous nous sentions un peu perdus, sortis du classique doublé purée-compote. Parmi ces profils d’enfants aux préférences gustatives marquées, vous reconnaîtrez sûrement celui de votre tout-petit !
Léon, 3 ans, a du mal à faire ami-ami avec les légumes
Si notre enfant renâcle devant les carottes, potirons et autres poireaux, nous pouvons d’ores et déjà nous livrer à une autoanalyse : “Nous-mêmes, ses parents, mangeons-nous suffisamment de légumes ?” Si la réponse est non, alors, le comportement de notre enfant n’a rien d’étonnant. Si, en revanche, la maison est plutôt “légumes friendly”, il n’y a pas non plus de raisons de se décourager : “L’enfant est à un âge où il craint la nouveauté, rappelle Nicole Béguin, docteure en biologie et nutritionniste (auteure de 50 astuces pour que mon enfant mange des fruits et des légumes, Jouvence, 2018). Il est donc essentiel de jouer sur la répétition, et de proposer le même légume plusieurs fois, sous la même forme.”
Car l’alimentation, ce n’est pas que de la nourriture. C’est aussi une bonne dose d’affect. “Le goût ou non pour un aliment dépend aussi de l’univers émotionnel dans lequel on le consomme, estime Véronique Liégeois. Rien n’est donc jamais figé. Il faut reproposer, sans forcer.” À nous aussi de varier – en fonction de l’âge – les modes de cuisson : un enfant peut faire la grimace devant un gratin de chou-fleur, mais aimer en croquer quelques petits bouquets crus accompagnés d’une sauce légère au yaourt…
Clémence, 2 ans, fronce le nez devant la viande
Avons-nous engendré un végétarien en devenir ? Une chose est sûre : la viande n’est pas sa meilleure amie. “Chez les petits, les besoins en protéines sont bas, tempère Véronique Liégeois. La base peut être constituée par des produits laitiers.” D’autant que “pour un enfant, souligne la nutritionniste, la texture de la viande, le fait de devoir beaucoup mâcher, ce n’est pas toujours très agréable…” Si on peut continuer à lui présenter de la viande – dans un hachis, par exemple –, et à lui faire goûter différentes variétés, nous pouvons aussi appeler à la rescousse le poisson : un petit filet sans arêtes, dont les morceaux se détachent bien et sont plus tendres en bouche, peut constituer une bonne alternative.
Chez Inès, 2 ans, on utilise volontiers des épices dans la cuisine familiale
Une pointe de curry doux pour ensoleiller le riz, un soupçon de noix de muscade dans le gratin du soir… à partir du moment où “on en met juste une touche, que ce n’est pas piquant et que la saveur des épices ne sature pas le palais de l’enfant, elles sont les bienvenues”, estime Véronique Liégeois. D’ailleurs, poursuit la nutritionniste, “plus il y a de couleurs, mieux c’est” ! Plus l’assiette est “joyeuse”, plus l’enfant aura spontanément envie de la goûter. Pour Nicole Béguin, il ne faut pas non plus oublier la richesse gustative proposée par les herbes : persil, ciboulette, coriandre…
Enzo, 2 ans, a plutôt un “bec sucré”
Les deux saveurs avec lesquelles les enfants ont du mal sont effectivement l’amer et l’acide. Un rejet qui date, puisque ces goûts évoquaient à nos lointains ancêtres “les baies toxiques, pour l’amertume, et les aliments avariés, pour l’acide”, rappelle Nicole Béguin. Et de confirmer : “Le sucre est en effet une saveur très appréciée des petits.” Mais, pour éviter les excès en la matière, “mieux vaut choisir des produits sucrés naturellement, comme les fruits”. Dans un yaourt nature, par exemple, des dés de mangue ou de kiwi offriront la touche sucrée nécessaire.
Petits trucs pour favoriser l’éveil aux saveurs
Manger en famille : l’expérience du goût, c’est aussi, en même temps, celui de la convivialité. Dans la mesure du possible, essayons donc de manger tous ensemble et… la même chose. “Je vois beaucoup de familles dont le père mange différemment de la mère qui mange différemment des enfants, note Véronique Liégeois. Difficile pour l’enfant de s’y retrouver ensuite, et de choisir son modèle alimentaire…”
Impliquer l’enfant dans la cuisine familiale : dès tout petit, on peut accomplir quelques tâches simples en cuisine, comme séparer les bouquets du chou-fleur ou aider à la préparation de la vinaigrette.
Se lancer dans des petites plantations : “Les enfants sont trop souvent déconnectés de la production des aliments”, regrette Nicole Béguin. Entretenir un plant de tomates cerises ou un pot de basilic sur le balcon, cela aide à prendre conscience du temps que prend la nature à élaborer les choses. Et quelle fierté de déguster ses propres produits !
Aller au marché : “Et non pas au supermarché”, souligne Nicole Béguin. Au marché, on constate la saisonnalité des fruits et des légumes. Et les commerçants ne rechignent pas à offrir un petit bout de fromage par-ci ou une fraise par-là. L’occasion de nouvelles découvertes ! peuvent aussi être de la partie.
“ Une affaire de goût ”, supplément pour les parents du magazine Popi n°386, octobre 2018. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Guillaume Long.