Pourquoi c’est si dur de partager ? Illustration : Anne Wilsdorf

Pourquoi c’est si dur de partager ?

Prêter ses jouets à un petit copain ou partager son goûter, mission impossible pour votre tout-petit ! N’en tirez pas des conclusions définitives sur son manque de générosité. Trois bonnes raisons expliquent son attitude.

Il croit que tout est à lui

Jusqu’à l’âge de 3 ou 4 ans, un petit enfant est animé par un sentiment de toute-puissance : il pense qu’il est le centre du monde et que tous les objets et même les personnes qui l’entourent lui appartiennent. “C’est une étape tout à fait normale de son développement. Il a l’impression que plus il possède de jouets, plus il est fort et a de l’importance. Les prêter ou les partager avec d’autres reviendrait à céder un peu de cette toute-puissance. Normal qu’il n’en ait pas très envie !” souligne Christine Brunet, psychologue. (Christine Brunet est coauteur avec Anne-Cécile Sarfati de Petits tracas et gros soucis, de 1 à 7 ans, éd. Le Livre de Poche.)

  • Que faire, que dire ?
    “Constater que notre fille veut toujours tout garder pour elle, nous met mal à l’aise. Aurions-nous échoué à lui transmettre cette valeur de générosité à laquelle nous tenons tant ?” s’interroge Aline, mère de Lucie, 2 ans. Si vous aussi êtes inquiets et déçus, rassurez-vous ! Votre enfant a seulement besoin d’un peu de temps pour comprendre qu’il n’est pas le centre du monde et que tout ne lui appartient pas. “Il assimilera d’autant mieux cette réalité que ses parents sauront lui imposer des frustrations, pour l’aider à grandir”, insiste la psychologue. Lui dire parfois “non” et lui poser des limites sont des passages obligés pour l’amener en douceur à plus de générosité.

Il a peur de perdre ses repères

Derrière son refus de partager se cache souvent de l’angoisse. “Ses petites affaires constituent pour lui des repères rassurants ; elles forment autour de lui un cocon protecteur, un univers familier et inchangé d’un jour sur l’autre. S’en séparer, ne serait-ce qu’un court instant, peut provoquer chez lui un sentiment d’insécurité”, explique Christine Brunet. Sans compter qu’un tout-petit considère souvent ses jouets comme une partie de lui-même : s’il prête son cheval en bois ou son seau, il peut avoir l’impression qu’il va perdre un morceau de lui-même. Pas de quoi être serein !

  • Que faire, que dire ?
    “Je vois bien que Mathéo est complètement débordé par ses émotions quand sa grande sœur lui emprunte un jouet. Cela se manifeste par de grosses colères. Alors j’essaie de le rassurer… Je lui explique qu’il ne doit pas s’inquiéter, que dans un petit moment, j’irai chercher son jouet dans la chambre de sa sœur. Cela semble l’apaiser”, raconte Marie, mère de deux enfants de 18 mois et 4 ans. N’hésitez pas à vous inspirer de cette maman qui a su trouver la bonne attitude : rassurer son enfant plutôt que le forcer à prêter ou l’étiqueter “égoïste”, ce qui aurait pour seul effet d’augmenter encore son angoisse !

Pour lui, l’autre n’existe pas vraiment

Avant l’âge de l’entrée à l’école, un petit enfant est encore très centré sur lui, très égocentrique. “Il a peu conscience des autres, en tout cas, il ne les considère pas comme des personnes à part entière, ayant des désirs et des envies. Or la générosité ne peut se mettre en place sans la prise en compte de l’altérité”, avance Christine Brunet.

  • Que faire, que dire ?
    En attendant que votre enfant grandisse et devienne capable de partager sans trop d’états d’âme – aux alentours de 5 ou 6 ans – vous pouvez lui montrer l’exemple. Par exemple, en prêtant certaines de vos affaires à vos amis ou vos voisins : peu à peu, votre enfant s’imprégnera de cette culture familiale du partage. “Tu vois, nous prêtons nos outils à notre voisin. Ensuite, il nous les rendra. Et si nous avons besoin de sa tondeuse, il nous la prêtera”, pourrez-vous lui dire. S’il constate que vous semblez trouver du plaisir dans ces prêts réciproques, il n’aura qu’une envie, vous imiter !
“Pourquoi c’est si dur de partager ?” Texte : Isabelle Gravillon – Illustration : Anne Wilsdorf. Supplément pour les parents, Popi, janvier 2016.

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